La radio se met à grésiller, elle vient perturber le silence dans le véhicule. « Fusillades devant l´entrée du Jefferson Park. On déclare au moins deux morts et six blessés ». Ils s´échangent des regards, las, fatigué. Un soupire puis il tourne la clef, et la voiture démarre. Ils ne disent rien, mais ils le savent. Leur ville n´est plus sure.

Que vont-ils trouver ce soir, dans ces rues crade, sombre… Un gosse éventré? Les tripes à l´air parce qu´il a eu un retard dans le paiement de sa came. Comme tous les soirs, ils prieront pour ne pas trouver un frère, un fils, un ami, ou même un voisin. C’est peut-être égoïste, mais ça les aide à tenir le coup. Les gyrophares des ambulances leur indiquent le lieu du drame. Une femme est couchée sur le côté. Elle baigne dans son sang. Il se penche, découvre un ventre grossi par une grossesse non menée à terme… Il en a un haut de cœur. Il fait une pause. Il saisit son poignet, afin de récolter quelques informations supplémentaires sur son identité. Il y remarque un tatouage. Un oiseau aux plumes noires, aux yeux luisants. Un corbeau. Une information capitale, un indice majeur. Son appartenance à ce « groupe » avait surement entrainé sa mort.

Cette ville est à la dérive. L'insécurité est dans toutes les bouches. Dans celle des politiciens qui promettent à leurs futurs électeurs une ville sûre et prospère. Dans celle du chef de police, qui, trop naïf, ignore le nombre de flic ripoux qui arpente les rues. Dans celles de ses habitants, réclamant un peu de sécurité pour leur vie, pour ne pas figurer demain dans les gros titres des journaux, sous le nom de « dommage collatéraux ».